vendredi 17 août 2018

Airbnb et les performances hôtelières


Airbnb ne laisse pas d’affirmer qu’il constitue non pas une concurrence pour les hôtels, mais qu’il s’adresse à des clients sensibles au prix et qui souhaitent vivre une autre expérience, à un autre marché donc. En réalité, dans une zone donnée, les locations via Airbnb ont bien un effet sur les performances des hôtels.

Trois chercheurs* ont étudié l’offre, les prix et la satisfaction des clients de locations proposées dans différents quartiers de la ville de San Francisco où Airbnb a été fondé. Ils voulaient savoir si ces variables avaient un impact sur le RevPAR (revenue per available room) d’hôtels de chaîne et indépendants. Ils ont réalisé une étude dite longitudinale. C’est-à-dire que, à différentes dates (entre 2013 et 2016), ils ont comparé les résultats de 111 hôtels dans 10 quartiers et l’offre, le niveau de prix et la satisfaction déclarée par les clients de locations tels qu’ils apparaissaient sur le site Airbnb.

Il s’avère qu’il n’y a pas de lien entre l’offre Airbnb et la performance des hôtels. Autrement dit, le fait qu’il ait plus de locations proposées n’a pas d’impact sur le RevPAR des établissements hôteliers. Ceci semble conforter l’affirmation d’Airbnb selon laquelle il s’adresse à un autre marché.

Par contre, les prix Airbnb sont liés avec les performances des hôtels : plus les prix des locations sont élevés, plus les RevPAR le sont. Ceci est surtout vrai pour les établissements haut de gamme.

Quant à la satisfaction des clients Airbnb sur un jour et dans une zone donnée elle affecte négativement la performance des hôtels.

Airbnb constitue donc bien une innovation de rupture qui vient concurrencer directement les hôtels. À eux de réagir.

* Blal Inès, Singal Manisha, Templin Jonathan. Airbnb’s effect on hotel sales growth. International Journal of Hospitality Management, 2018, vol. 73, p. 85-92.

lundi 8 janvier 2018

Connaître le nombre de calories… et après ?



Les autorités sanitaires multiplient les mises en garde concernant le risque de surpoids. Elles obligent les industriels de l’agroalimentaire à préciser sur l’emballage le nombre de calories apportées par leur produit. La restauration a-t-elle intérêt à appliquer ces règles ou à afficher ces informations ?

Afin de connaître les réactions des jeunes de la génération dite « Y » aux informations nutritionnelles, des étudiants de l’école hôtelière de Lausanne ont participé à une étude*. Ils ont été recrutés en leur promettant qu’ils participeraient à un tirage au sort pour gagner deux repas dans un restaurant gastronomique. Il leur a été demandé d’indiquer, sur une tablette de type iPad, le menu (entrée, plat, garniture, dessert) qu’ils choisiraient en cas de succès.

Les 126 participants étaient répartis dans différents groupes. Les uns n’avaient aucune information nutritionnelle, les autres avaient l’indication, pour chaque plat, du nombre de calories, soit sous la forme d’un nombre, soit au moyen d’un feu tricolore. Certains pouvaient en plus voir un graphique leur montrant le nombre total de calories du menu choisi et le pourcentage par rapport à la prise alimentaire journalière recommandée. Les participants devaient également répondre à un questionnaire pour connaître leur réaction face au système d’information nutritionnelle (calories ou feu tricolore + éventuellement graphique) qui leur était proposé.

Ils savent, mais n’en tiennent pas compte


Les résultats de cette étude montrent que les étudiants apprécient que le menu soit présenté sur une tablette. Ils préfèrent le format feu tricolore et graphique. Mais ce format, pas plus que les autres, n’a d’influence sur le nombre total de calories du menu choisi. En d’autres termes, ils savent, mais n’en tiennent pas compte.

On pourra toujours dire que des étudiants de l’école hôtelière de Lausanne, compte tenu du coût de la scolarité dans cet établissement réputé et des études qu’ils suivent, ne sont représentatifs ni de la génération dite « Y » ni de la clientèle des restaurants gastronomiques. Par ailleurs, il est vrai que, lorsque l’on va dans un restaurant gastronomique, ce n’est pas vraiment pour se priver ! D’autres études montrent que, dans la restauration rapide aux États-Unis, l’information sur la richesse calorique des produits n’a pas d’influence sur les consommateurs, sauf pour les parents lorsqu’ils choisissent le repas de leurs enfants.

Parce qu’elles seront appréciées de leurs clients, les restaurateurs peuvent donc envisager de leur fournir des informations nutritionnelles, en veillant à les présenter sous un format facile à interpréter. Quant aux autorités sanitaires, elles ne doivent pas trop compter sur cette politique d’information pour changer les comportements alimentaires.

* Yepes Maryan F. Mobile Tablet Menus: Attractiveness and Impact of Nutrition Labeling Formats on Millennials’ Food Choices. Cornell Hospitality Quarterly, 2015, vol. 56, n° 1, p. 58-67.

mercredi 15 juin 2016

Avez-vous toujours envie de recommander un service ?

Nous sommes de plus en plus sollicités par des prestataires de services pour répondre à la question : « Dans quelle mesure recommanderiez-vous notre entreprise à un ami ou un collègue ? » À partir de nos réponses, les entreprises calculent un net promoter score (NPS) qui serait l’indicateur idéal.

L’importance du bouche-à-oreille est reconnue depuis longtemps. C’est pourquoi Reichheld* a proposé le net promoter score afin de mesurer du bouche-à-oreille. Son amélioration assurerait la croissance de l’entreprise.

Ceux qui répondent à la question entre 0 et 6 sont des « détracteurs » et ceux qui répondent 9 ou 10 des « promoteurs » (les autres sont des passifs). Le net promoter score se calcule de la manière suivante :

Simple et simpliste

Dernièrement, l’entreprise qui entretient la chaudière de ma maison m’a posé la question de Reichheld*. Je n’avais aucune intention de recommander à qui que ce soit ce prestataire de services. J’ai donc répondu 0/10 puisque l'on ne m’offrait pas la possibilité d’indiquer que je n’avais pas envie de pratiquer le bouche-à-oreille. Il m’arrive de recommander un restaurant ou une destination touristique. Mais je n’ai pas l’idée de parler à qui que ce soit d’un service aussi utilitaire que l’entretien d’une chaudière.

Comme le fait remarquer Grisaffe**, le NPS n’est qu’un indicateur parmi d’autres. Sur le tableau de bord d’une voiture, un seul voyant ne suffit pas. Même si de nombreuses entreprises ont recours au NPS, ce n’est pas, comme le prétend Reichheld*, le seul et unique indicateur à observer.

Les consommateurs sont de plus en plus réticents quand il s’agit de répondre aux sondages que tous les prestataires de services proposent. D’où la tentation de trouver un outil simple. Mais si le NPS est simple, il est aussi simpliste.

*Reichheld Frederick F. The one number you need to grow. Harvard business review, 2003, vol. 81, n° 12, p. 46-55.
**Grisaffe Douglas B. Questions about the ultimate question: conceptual considerations in evaluating Reichheld's net promoter score (NPS). Journal of Consumer Satisfaction, Dissatisfaction and Complaining Behavior, 2007, vol. 20, p. 36-53.

samedi 21 mai 2016

Serviette et salade : d'autres typologies des restaurants

Il existe de nombreuses typologies des restaurants. En voici deux autres, fruits de la fréquentation de nombreux établissements qui ont plus le souci de la réduction des coûts que du client.

On peut classer les restaurants en fonction de leurs prix, de la cuisine qu’il propose, de leur formule de distribution, du mode d’exploitation, etc. Une professeure de l’école hôtelière de Lausanne, dans une thèse* soutenue en 2007, recense 16 typologies différentes.

Je propose d’abord un classement des restaurants en fonction des serviettes mises à la disposition des clients. Selon les établissements, on a droit à (1) une petite serviette en papier de mauvaise qualité (type Kleenex) ou (2) une serviette plus grande en papier plus épais et enfin à (3) une serviette en tissu. Je me souviens d’un restaurant de fruits de mer, à Toulouse, dans lequel les clients n’avaient droit qu’à une serviette en papier. Or, si l’on prend un plateau de fruits de mer, on est amené à éplucher des crevettes, à saisir des huîtres et donc à se salir les mains. Il est vrai que la gestion des serviettes en tissu est lourde alors qu’il est si simple d’ouvrir des paquets de serviettes et de les mettre à la poubelle après usage. Je comprends que les restaurants d’entrée de gamme cherchent à faire des économies par tous les moyens. Mais de grâce, mesdames et messieurs les restaurateurs qui avez des prétentions gastronomiques, n’investissez pas tout dans le décor et les produits.

Ikea nous a habitués à monter les meubles. Mais pourquoi, dans tant de restaurants, est-ce au client de remuer la salade ? Je propose donc une autre typologie : (1) restaurants avec salade remuée et (2) restaurants avec salade à remuer. La seconde catégorie compte bien plus d’établissements que la première. Pourtant, je me souviens d’un petit restaurant d’Agen dans lequel on voyait le cuisinier opérer. Il mettait la salade dans un très grand cul-de-poule et la remuait vigoureusement avant de dresser sur assiette et d’ajouter la garniture. Jusqu’en 2008, Mc Donald’s proposait des McSalad Shakers. Pourquoi ont-ils disparu ? Mesdames et messieurs les cuisiniers, remuez-vous… and shake the salad, please.


* Demen Meier Christine. Les TPE d'un secteur en difficulté, stratégies et performance: la restauration de l'Arc Lémanique Suisse. Thèse de doctorat en science de gestion, Université de Caen, 2007, 670 p.

jeudi 19 mai 2016

Promouvoir le vin au restaurant

Pour faire face à la diminution de la consommation de vin, les restaurateurs ont intérêt à mettre en place des actions de promotion. Quels vins mettre en avant ? Combien de références ? Faut-il proposer des accords vin-met ? Faut-il diminuer la marge sur les vins promus ?

Une étude* a été menée aux États-Unis dans deux restaurants de moyenne gamme appartenant à une chaîne. Après quatre semaines sans aucune action commerciale particulière, huit types de promotions différents ont été testée durant huit semaines. Puis l’évolution des ventes a été analysée.

Un premier type de promotion consistait à présenter, sur un chevalet disposé sur chaque table, un seul vin ou trois vins ou cinq vins. La marge sur les vins n’était pas diminuée. Il apparaît que le plus efficace est de promouvoir cinq vins. Cela a permis d’augmenter les ventes des vins promus de 39 % et les ventes globales de vins de 12 %.

Durant trois autres semaines, un ou trois ou cinq accords vin-met ont été promus sur des chevalets. Dans ce cas, le plus efficace a été la proposition de trois accords. Les ventes globales de vins ont augmenté de près de 8 %.

Deux autres configurations de promotion ont été testées : la dégustation moyennant 2 $ d’un petit verre de vin ou la dégustation de cinq petits verres pour 10 $. Dans les deux cas, les ventes du et des vin(s) promu(s) ont augmenté significativement. Mais, comme le font judicieusement remarquer les auteurs, la mise en place de dégustations nécessite des verres spéciaux et une formation du personnel pour qu’il ne remplisse pas trop les verres. De plus, la dégustation de cinq vins implique une logistique plus importante.

Retenons qu’il vaut mieux proposer cinq vins ou trois accords vins et mets ou la dégustation d’un petit verre vin. Les auteurs terminent en rappelant à juste titre qu’il vaut mieux promouvoir des vins avec une marge élevée, les choisir parmi le milieu de gamme et éviter de diminuer le prix de vente.



* Wansink Brian Cordua Glenn, Blair Ed, et al. Wine Promotions in Restaurants Do Beverage Sales Contribute or Cannibalize? Cornell Hotel and Restaurant Administration Quarterly, 2006, vol. 47, no 4, p. 327–336.

lundi 16 mai 2016

Les quatre générations du vin

Comment segmenter les consommateurs de vin ? Deux enseignants-chercheurs de l’ESC Pau ont étudié* le rapport au vin des différentes générations. Leur approche est intéressante pour les restaurateurs.

Les chercheurs ont mené des entretiens auprès de 64 consommateurs et non consommateurs de vin appartenant aux quatre générations différentes. Ils ont également observé des clients dans des caves, en grandes surfaces, chez des cavistes et en participant à des journées portes ouvertes dans les vignobles. Finalement, ils identifient quatre générations au point de vue des représentations associées au vin, de leurs comportements de consommation et des phénomènes de transmission et d’apprentissage.
  1. La génération Héritage, qui a connu la dernière guerre mondiale, pour laquelle le vin est un symbole de la culture française et a un statut mythique. La consommation de vin est régulière et les achats plutôt réalisés auprès de cavistes et à la propriété. Même s’ils ne sont pas rebutés par la complexité de l’offre, ils restent fidèles à quelques références, par habitude. Pour eux, le père a joué un rôle primordial dans la transmission de la culture vin.
  2. La génération baby-boom, née après la guerre, qui a bénéficié de la prospérité des Trente glorieuses, introduit une dimension qualitative dans son appréciation du vin avec une ouverture au monde. La consommation est plus occasionnelle, hédoniste. Les achats sont réalisés plutôt en grande surface et le prix est un critère de choix important. Avec l’augmentation de l’âge et des revenus, certains accèdent aux « grands vins ». La transmission (par la famille, les amis, les livres, Internet) de la culture du vin a été importante et synonyme d’élitisme.
  3. La génération X, qui a connu les crises économiques, sanitaires et environnementales, est consciente de la richesse des terroirs, mais fait également part de son ignorance. La consommation est occasionnelle, lors des repas festifs, et peut même être ostentatoire. La culture du vin (transmise via Internet, les livres et les clubs œnologiques) ne motive que les consommateurs réguliers et aisés.
  4. Les individus de la génération Y sont des consommateurs occasionnels ou des non consommateurs de vin. Ils le connaissent mal, voire se méfient de ses effets. La consommation de vin est associée à des moments exceptionnels (repas de famille ou anniversaires). Elle ne commence – pour ceux qui en boivent – qu’après  l’installation dans la vie, entre 25 et 33 ans. Elle est concurrencée par la consommation des alcools blancs. Leur culture du vin est très faible. Ceux qui s’y intéressent utilisent Internet pour s’informer.
Les auteurs notent que l’adhésion au « capital identitaire » du vin en France décroît sur quatre générations. Celles-ci possèdent une identité spécifique et se différencient par la fréquence de consommation, le type et le prix du vin choisi et le mode de transmission de la culture du vin.

* Lorey Thierry, Albouy Jeanne. Perspective générationnelle de la consommation de vin en France: une opportunité pour la segmentation. Décisions Marketing, 2015, n° 79, p. 93–112.

dimanche 27 septembre 2015

Au restaurant, comment affecter les tables aux personnes qui attendent ?



Au restaurant, il arrive que la demande soit forte. Si toutes les tables sont déjà occupées ou réservées, des groupes de personnes attendent leur tour pour obtenir une table. Quelle méthode le restaurateur doit-il utiliser pour affecter les tables ?

Gary Thompson, un chercheur* américain de la célèbre Cornell University, a mené une enquête auprès de 276 managers de restaurants situés principalement en Asie, aux États-Unis et en Europe. Il en ressort que 54 % d’entre eux appliquent la règle de la plus longue attente : par exemple, si une table de quatre couverts se libère, elle sera affectée au groupe (d’une, deux, trois ou quatre personnes) qui a le plus attendu. Mais d’autres (21 %), dans le même cas de figure, affecteront la table de quatre au groupe le plus nombreux (un groupe de quatre s’il y en a, sinon un groupe de trois, etc.). Pour départager deux groupes de même taille, c’est bien sûr le premier arrivé qui est le premier servi. C’est la règle de la plus grande taille. Les autres managers affirment qu’ils appliquent une règle combinée : ils prennent en compte autant l’attente que la taille du groupe.

Les restaurateurs ont raison


Afin de tester quelle était la meilleure méthode, Thompson a réalisé une simulation complexe intégrant de nombreux facteurs (taille du restaurant, intensité de la demande, taille des groupes, acceptation de l’attente, etc.). Il met en évidence que la règle combinée permet d’optimiser le chiffre d’affaires. Celui qui veut appliquer rationnellement cette règle, affectera une table libre au groupe qui aura le plus haut score taille × attente. Celui-ci se calcule en multipliant le nombre de sièges qu’occupera le groupe par la durée de l’attente du groupe. Pour une table de quatre, un groupe de deux personnes attendant depuis 12 minutes passera avant quatre personnes arrivées il y a cinq minutes. La règle combinée requiert un système de classement en temps réel des groupes en attente. Elle s’avère donc difficile à mettre en œuvre dans la plupart des restaurants.

Le restaurateur qui cherche un système plus simple, obtiendra de meilleurs résultats avec la règle de la plus longue attente plutôt qu’avec la règle de la plus grande taille. De plus, il est noté  que la règle de la plus longue attente paraît plus juste aux yeux des clients que la règle de la plus grande taille.

Comme on l’a vu, la règle de la plus longue attente est privilégiée par la majorité les restaurateurs interrogés par Thompson. Ils ont donc, intuitivement, trouvé la bonne méthode.


* Thompson Gary M. An Evaluation of Rules for Assigning Tables to Walk-in Parties in Restaurants. Cornell Hospitality Quarterly, 2014, n° 56(1), p. 91-105.