jeudi 27 novembre 2014

Pénurie de main-d'œuvre ?

Dans un article passionnant, Michèle Forté et Sylvie Monchatre* montrent très clairement que l’idée selon laquelle l’hôtellerie-restauration connaît une pénurie de main-d’œuvre doit être fortement relativisée.

Ces deux chercheuses s’appuient sur les études nationales menées par le Cereq et la Dares ainsi que 25 entretiens auprès d’employeurs indépendants, de directeurs d’établissement de chaînes d’hôtellerie-restauration, de représentants des organisations professionnelles, d’acteurs de la formation à Paris, Lille, Lyon et en Alsace.

Les auteures remarquent que le discours sur le manque de personnel est récurrent chez les employeurs et leurs représentants, surtout lors des phases de reprise économique. Il est vrai que l’indicateur de tension sur le marché du travail atteignait 0,64 en 2012 (1,2 en 2007-2009) pour l’hôtellerie-restauration contre 0,49 dans l’ensemble des professions. Ils notent aussi que la demande d’emploi dans l’hôtellerie-restauration par rapport à la population active dans les CHR est plus élevée que dans l’ensemble des familles professionnelles.

Mais il ne faut pas se fier aux données de Pôle emploi. D’abord parce qu’elles comparent les demandes pour travailler dans l’hôtellerie-restauration et les offres émanant des CHR. Or, les employeurs, lorsqu’ils recrutent via Pôle emploi, embauchent majoritairement des demandeurs postulant dans un autre secteur d’activité. Ensuite parce que seulement une faible part des embauches réalisées passe par Pôle emploi : 7 % dans la région Strasbourg, par exemple. Les employeurs ne s’intéressent quasiment pas aux demandeurs « Pôle emploi » dont les exigences ne correspondent pas à l’offre.

Réseaux informels


Les CHR utilisent beaucoup les réseaux informels afin de minimiser les coûts de recrutement : ils puisent dans les candidatures spontanées et font appel au « vivier » des apprentis et des élèves de lycée hôtelier, à leurs salariés, au bouche-à-oreille. Les chaînes passent un peu par Pôle emploi pour recruter des personnes sans formation hôtelière. Elles profitent aussi de tous les dispositifs pour recruter des jeunes en échec scolaire, issus des zones urbaines sensibles, des handicapés, des seniors.

Autre argument de Michèle Forté et Sylvie Monchatre pour relativiser l’idée d’une pénurie de main-d’œuvre dans l’hôtellerie-restauration : on aurait dû, au moins dans les périodes de reprise économique, assister à une envolée des salaires. Cela n’a pas été le cas puisque le salaire médian dans les CHR demeure bien inférieur à celui de l’ensemble des familles professionnelles.


* Forté Michèle, Monchatre Sylvie. Recruter dans l’hôtellerie-restauration : quelle sélectivité sur un marché du travail en tension ? La Revue de l'Ires, 2013, n° 76, p. 127-150.

mercredi 26 novembre 2014

Au restaurant pour la première fois


Que vivent les clients lors de leur première expérience dans un restaurant ?

Johns et Kivela* ont interrogé douze personnes, cinq hommes et sept femmes à ce sujet. Il en ressort que les attentes des néo-consommateurs ne sont pas toujours précises. Elles peuvent être influencées par l’expérience d’un proche, l’observation de la salle depuis l’extérieur ou l’étude du menu. Il faudrait ajouter aujourd'hui (l’étude date de 2001) que les avis sur les sites Web participatif permettent de se faire une idée préalable. Certaines des personnes interrogées ont dit ressentir une certaine appréhension avant de fréquenter un restaurant nouveau et être intimidés durant le repas.

En entrant dans un nouveau restaurant, les clients jugent d’abord les éléments physiques de l’atmosphère : calme, propreté, décor, espace, éclairage, places disponibles, tenue du personnel en contact. Ils n’aiment pas les salles vides et observent les autres clients.

Le comportement du personnel peut gâcher l’expérience. Les autres clients doivent rester un élément de décor et ne pas importuner, en étant trop bruyant. Lorsque l’on est un groupe des convives, l’environnement extérieur (serveurs, autres clients) a moins d’importance. Même si tout n’est pas parfait, on évite de trop se plaindre pour ne pas vexer celui qui a choisi le restaurant.

Importance des premiers instants

Finalement, il apparaît que, comme l’affirme la théorie de la qualité de service, les clients évaluent la performance d’un restaurant en la comparant avec leurs attentes. D'une certaine manière, sortir dans un nouveau restaurant peut être vécu négativement comme une incursion dans un territoire étranger, d’où l’importance des relations interpersonnelles agréables avec le personnel et les autres clients. Les premiers instants, après l’entrée dans l’établissement, jouent un rôle crucial.

Les restaurateurs ont donc intérêt à ne pas considérer les clients comme des individus isolés, car les perceptions d'une tablée ne sont pas les mêmes suivant le nombre de convives. Le personnel de service doit veiller à ce que les clients nouveaux s’approprient l’espace. Quant aux designers ils devraient aussi aider les clients à « coloniser » le restaurant pour qu’ils y vivent des rencontres de service agréables.

*Johns Nick, Kivela Jack. Perceptions of the first time restaurant customer. Food Service Technology, 2001, vol. 1, issue 1, p. 5-11.