mercredi 15 juin 2016

Avez-vous toujours envie de recommander un service ?

Nous sommes de plus en plus sollicités par des prestataires de services pour répondre à la question : « Dans quelle mesure recommanderiez-vous notre entreprise à un ami ou un collègue ? » À partir de nos réponses, les entreprises calculent un net promoter score (NPS) qui serait l’indicateur idéal.

L’importance du bouche-à-oreille est reconnue depuis longtemps. C’est pourquoi Reichheld* a proposé le net promoter score afin de mesurer du bouche-à-oreille. Son amélioration assurerait la croissance de l’entreprise.

Ceux qui répondent à la question entre 0 et 6 sont des « détracteurs » et ceux qui répondent 9 ou 10 des « promoteurs » (les autres sont des passifs). Le net promoter score se calcule de la manière suivante :

Simple et simpliste

Dernièrement, l’entreprise qui entretient la chaudière de ma maison m’a posé la question de Reichheld*. Je n’avais aucune intention de recommander à qui que ce soit ce prestataire de services. J’ai donc répondu 0/10 puisque l'on ne m’offrait pas la possibilité d’indiquer que je n’avais pas envie de pratiquer le bouche-à-oreille. Il m’arrive de recommander un restaurant ou une destination touristique. Mais je n’ai pas l’idée de parler à qui que ce soit d’un service aussi utilitaire que l’entretien d’une chaudière.

Comme le fait remarquer Grisaffe**, le NPS n’est qu’un indicateur parmi d’autres. Sur le tableau de bord d’une voiture, un seul voyant ne suffit pas. Même si de nombreuses entreprises ont recours au NPS, ce n’est pas, comme le prétend Reichheld*, le seul et unique indicateur à observer.

Les consommateurs sont de plus en plus réticents quand il s’agit de répondre aux sondages que tous les prestataires de services proposent. D’où la tentation de trouver un outil simple. Mais si le NPS est simple, il est aussi simpliste.

*Reichheld Frederick F. The one number you need to grow. Harvard business review, 2003, vol. 81, n° 12, p. 46-55.
**Grisaffe Douglas B. Questions about the ultimate question: conceptual considerations in evaluating Reichheld's net promoter score (NPS). Journal of Consumer Satisfaction, Dissatisfaction and Complaining Behavior, 2007, vol. 20, p. 36-53.

samedi 21 mai 2016

Serviette et salade : d'autres typologies des restaurants

Il existe de nombreuses typologies des restaurants. En voici deux autres, fruits de la fréquentation de nombreux établissements qui ont plus le souci de la réduction des coûts que du client.

On peut classer les restaurants en fonction de leurs prix, de la cuisine qu’il propose, de leur formule de distribution, du mode d’exploitation, etc. Une professeure de l’école hôtelière de Lausanne, dans une thèse* soutenue en 2007, recense 16 typologies différentes.

Je propose d’abord un classement des restaurants en fonction des serviettes mises à la disposition des clients. Selon les établissements, on a droit à (1) une petite serviette en papier de mauvaise qualité (type Kleenex) ou (2) une serviette plus grande en papier plus épais et enfin à (3) une serviette en tissu. Je me souviens d’un restaurant de fruits de mer, à Toulouse, dans lequel les clients n’avaient droit qu’à une serviette en papier. Or, si l’on prend un plateau de fruits de mer, on est amené à éplucher des crevettes, à saisir des huîtres et donc à se salir les mains. Il est vrai que la gestion des serviettes en tissu est lourde alors qu’il est si simple d’ouvrir des paquets de serviettes et de les mettre à la poubelle après usage. Je comprends que les restaurants d’entrée de gamme cherchent à faire des économies par tous les moyens. Mais de grâce, mesdames et messieurs les restaurateurs qui avez des prétentions gastronomiques, n’investissez pas tout dans le décor et les produits.

Ikea nous a habitués à monter les meubles. Mais pourquoi, dans tant de restaurants, est-ce au client de remuer la salade ? Je propose donc une autre typologie : (1) restaurants avec salade remuée et (2) restaurants avec salade à remuer. La seconde catégorie compte bien plus d’établissements que la première. Pourtant, je me souviens d’un petit restaurant d’Agen dans lequel on voyait le cuisinier opérer. Il mettait la salade dans un très grand cul-de-poule et la remuait vigoureusement avant de dresser sur assiette et d’ajouter la garniture. Jusqu’en 2008, Mc Donald’s proposait des McSalad Shakers. Pourquoi ont-ils disparu ? Mesdames et messieurs les cuisiniers, remuez-vous… and shake the salad, please.


* Demen Meier Christine. Les TPE d'un secteur en difficulté, stratégies et performance: la restauration de l'Arc Lémanique Suisse. Thèse de doctorat en science de gestion, Université de Caen, 2007, 670 p.

jeudi 19 mai 2016

Promouvoir le vin au restaurant

Pour faire face à la diminution de la consommation de vin, les restaurateurs ont intérêt à mettre en place des actions de promotion. Quels vins mettre en avant ? Combien de références ? Faut-il proposer des accords vin-met ? Faut-il diminuer la marge sur les vins promus ?

Une étude* a été menée aux États-Unis dans deux restaurants de moyenne gamme appartenant à une chaîne. Après quatre semaines sans aucune action commerciale particulière, huit types de promotions différents ont été testée durant huit semaines. Puis l’évolution des ventes a été analysée.

Un premier type de promotion consistait à présenter, sur un chevalet disposé sur chaque table, un seul vin ou trois vins ou cinq vins. La marge sur les vins n’était pas diminuée. Il apparaît que le plus efficace est de promouvoir cinq vins. Cela a permis d’augmenter les ventes des vins promus de 39 % et les ventes globales de vins de 12 %.

Durant trois autres semaines, un ou trois ou cinq accords vin-met ont été promus sur des chevalets. Dans ce cas, le plus efficace a été la proposition de trois accords. Les ventes globales de vins ont augmenté de près de 8 %.

Deux autres configurations de promotion ont été testées : la dégustation moyennant 2 $ d’un petit verre de vin ou la dégustation de cinq petits verres pour 10 $. Dans les deux cas, les ventes du et des vin(s) promu(s) ont augmenté significativement. Mais, comme le font judicieusement remarquer les auteurs, la mise en place de dégustations nécessite des verres spéciaux et une formation du personnel pour qu’il ne remplisse pas trop les verres. De plus, la dégustation de cinq vins implique une logistique plus importante.

Retenons qu’il vaut mieux proposer cinq vins ou trois accords vins et mets ou la dégustation d’un petit verre vin. Les auteurs terminent en rappelant à juste titre qu’il vaut mieux promouvoir des vins avec une marge élevée, les choisir parmi le milieu de gamme et éviter de diminuer le prix de vente.



* Wansink Brian Cordua Glenn, Blair Ed, et al. Wine Promotions in Restaurants Do Beverage Sales Contribute or Cannibalize? Cornell Hotel and Restaurant Administration Quarterly, 2006, vol. 47, no 4, p. 327–336.

lundi 16 mai 2016

Les quatre générations du vin

Comment segmenter les consommateurs de vin ? Deux enseignants-chercheurs de l’ESC Pau ont étudié* le rapport au vin des différentes générations. Leur approche est intéressante pour les restaurateurs.

Les chercheurs ont mené des entretiens auprès de 64 consommateurs et non consommateurs de vin appartenant aux quatre générations différentes. Ils ont également observé des clients dans des caves, en grandes surfaces, chez des cavistes et en participant à des journées portes ouvertes dans les vignobles. Finalement, ils identifient quatre générations au point de vue des représentations associées au vin, de leurs comportements de consommation et des phénomènes de transmission et d’apprentissage.
  1. La génération Héritage, qui a connu la dernière guerre mondiale, pour laquelle le vin est un symbole de la culture française et a un statut mythique. La consommation de vin est régulière et les achats plutôt réalisés auprès de cavistes et à la propriété. Même s’ils ne sont pas rebutés par la complexité de l’offre, ils restent fidèles à quelques références, par habitude. Pour eux, le père a joué un rôle primordial dans la transmission de la culture vin.
  2. La génération baby-boom, née après la guerre, qui a bénéficié de la prospérité des Trente glorieuses, introduit une dimension qualitative dans son appréciation du vin avec une ouverture au monde. La consommation est plus occasionnelle, hédoniste. Les achats sont réalisés plutôt en grande surface et le prix est un critère de choix important. Avec l’augmentation de l’âge et des revenus, certains accèdent aux « grands vins ». La transmission (par la famille, les amis, les livres, Internet) de la culture du vin a été importante et synonyme d’élitisme.
  3. La génération X, qui a connu les crises économiques, sanitaires et environnementales, est consciente de la richesse des terroirs, mais fait également part de son ignorance. La consommation est occasionnelle, lors des repas festifs, et peut même être ostentatoire. La culture du vin (transmise via Internet, les livres et les clubs œnologiques) ne motive que les consommateurs réguliers et aisés.
  4. Les individus de la génération Y sont des consommateurs occasionnels ou des non consommateurs de vin. Ils le connaissent mal, voire se méfient de ses effets. La consommation de vin est associée à des moments exceptionnels (repas de famille ou anniversaires). Elle ne commence – pour ceux qui en boivent – qu’après  l’installation dans la vie, entre 25 et 33 ans. Elle est concurrencée par la consommation des alcools blancs. Leur culture du vin est très faible. Ceux qui s’y intéressent utilisent Internet pour s’informer.
Les auteurs notent que l’adhésion au « capital identitaire » du vin en France décroît sur quatre générations. Celles-ci possèdent une identité spécifique et se différencient par la fréquence de consommation, le type et le prix du vin choisi et le mode de transmission de la culture du vin.

* Lorey Thierry, Albouy Jeanne. Perspective générationnelle de la consommation de vin en France: une opportunité pour la segmentation. Décisions Marketing, 2015, n° 79, p. 93–112.